Mathieu Croizet : l’interdiction du HHC

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Bienvenue à tous sur Parlons Canna ! Dans cette édition spéciale, nous avons l’honneur d’accueillir Mathieu Croizet, un avocat exerçant actuellement au barreau de Paris. Avec 21 années d’expérience dans le domaine juridique, dont 12 passées à Marseille, Mathieu a pu constater l’inefficacité de la guerre contre la drogue, en particulier dans cette ville. C’est cette expérience qui l’a poussé à s’engager au sein de l’association NORML, afin de promouvoir un dialogue ouvert sur le cannabis et de plaider en faveur de sa légalisation.
Il est tout simplement incroyable de pouvoir échanger aujourd’hui avec Maître Croizet, surtout compte tenu du contexte actuel. En effet, nous sommes le 16 juin 2023, et depuis le 12 juin 2023, tous les produits à base de HHC, HHCO et HHCP sont officiellement classés comme stupéfiants. Cela signifie que les commerçants qui en détiennent ou en vendent deviendront des dealers, tandis que les consommateurs se retrouveront également en infraction avec la loi.
Il a été particulièrement difficile de trouver des avocats spécialisés qui souhaitaient intervenir immédiatement sur ce sujet brûlant. Nous sommes donc reconnaissants de sa présence aujourd’hui. Sans plus attendre, laissons notre invité se présenter brièvement avant d’aborder directement cette interdiction.
Une vision claire pour une réforme du droit des drogues
Mathieu Croizet, avocat expérimenté depuis 21 ans, dévoile son parcours professionnel dans cette interview. Ayant passé 12 ans à Marseille avant de s’installer à Paris en 2014, il possède un cabinet principal dans chaque ville. Dès ses débuts, Maître Croiset a plaidé de nombreux dossiers liés aux stupéfiants, représentant tant les petits revendeurs de quartier que les utilisateurs, sans s’attaquer aux gros trafiquants.
Au fil de son expérience, il a été témoin de l’inefficacité de la guerre contre la drogue, ce qui l’a conduit à envisager la dépénalisation ou la légalisation comme des alternatives nécessaires. C’est ainsi qu’il a rejoint l’association NORML, où il s’investit activement dans les discussions et échanges avec d’autres experts du domaine, tant pour prévenir les éventuelles infractions que pour défendre les personnes devant les juridictions. Maître Croizet se positionne en faveur d’une réforme du droit des drogues, basée sur des réflexions approfondies et une prise de parole éclairée.
Une interdiction brutale et ses conséquences
Maître Croizet aborde les modalités de l’interdiction du HHC et ses conséquences. Il souligne que bien que l’introduction de critiques immédiates puisse être complexe, il est crucial de prendre conscience des répercussions de cette décision abrupte. Il rappelle que les avertissements concernant la prolifération des produits à base d’Hexahydrocannabinol et de ses dérivés ont été émis depuis plusieurs mois, avec certains pays européens ayant déjà pris des mesures d’interdiction. La France, qui a une législation sur les stupéfiants parmi les plus sévères, s’était quelque peu assouplie, permettant une discussion ouverte sur les substances classées comme drogues.
Néanmoins, Maître Croizet souligne que la brutalité réside dans le fait qu’il n’y a pas eu de période d’adaptation ou de zone tampon avant l’interdiction, ce qui a entraîné une affluence importante chez les revendeurs de produits à base de HHC. Il précise que la décision n’est pas encore définitive et qu’elle fait l’objet de contestations devant les juridictions administratives. En somme, il soulève les questions et les défis résultant de cette interdiction soudaine, notamment en ce qui concerne les achats légaux qui pourraient devenir illégaux lors de la livraison, suscitant des interrogations quant à la façon de gérer cette situation.

L’absence de mesures intermédiaires et les perspectives de contestation
La question se pose donc sur la manière de traiter les stocks détenus par les commerçants ainsi que les consommateurs qui en possèdent chez eux. Maître Croizet souligne qu’aucune indication n’a été donnée quant aux actions à entreprendre dans de telles situations. Il déplore l’absence de mesures intermédiaires ou de dispositions permettant de prendre en compte les différentes situations. La décision d’interdiction a été abrupte, sans période de transition ni dérogations pour écouler les stocks existants. Maître Croizet suggère que les autorités publiques auraient pu anticiper cette décision imminente et mettre en place des dispositions permettant une période de liquidation des stocks.
Néanmoins, il rappelle que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) n’a pas pour rôle de prendre de telles mesures. Il est toutefois possible de contester cette décision devant les juridictions compétentes, et certaines personnes envisagent déjà de le faire. Les contestations porteraient sur les modalités d’adoption de la décision, sa courte période de mise en œuvre et ses fondements.
Fondement de la décision et études contradictoires
La décision d’interdiction du HHC a été justifiée par des études médicales mettant en évidence les conséquences complexes et les effets secondaires indésirables des produits de synthèse. Cependant, il convient de souligner que ces études peuvent être contradictoires, avec des recherches médicales soutenant des points de vue opposés. Par ailleurs, bien que le HHC ne soit pas un produit récemment découvert, étant connu depuis les années 40, sa commercialisation en Europe n’a commencé que dans les années 2020. Il a donc fallu un certain temps pour prendre en considération son potentiel en dehors de la catégorisation des produits stupéfiants et envisager une légalité alternative. Cette constatation met en évidence une évolution lente dans la compréhension et l’évaluation du HHC au cours des près de 80 dernières années.
Conséquences de l’interdiction et problèmes non résolus
L’interdiction du HHC entraîne trois séries de conséquences. Tout d’abord, malgré cette interdiction, de nouvelles molécules similaires et non interdites peuvent être découvertes, ce qui ouvre des portes alternatives pour les produits aux effets similaires. Ainsi, l’interdiction apparaît inefficace et ne résout pas réellement le problème. Ensuite, les commerçants se retrouvent avec des stocks inutilisables, subissant des pertes financières, mais sans aucune solution claire. Il n’y a pas de temps pour la réflexion ni de mesures d’accompagnement. La manière de détruire ces produits interdits n’est pas définie, et leur simple élimination peut poser des problèmes de pollution et de responsabilité. De plus, jeter les produits à la poubelle pourrait entraîner des risques pour la santé publique, notamment avec la présence de rats dans certaines régions. Malgré ces questions cruciales, aucune explication ou solution n’a été fournie, laissant les acteurs concernés dans l’incertitude.
Le manque d’explications et de directives claires : Un défi pour les commerçants confrontés à l’interdiction soudaine
L’inconvénient majeur de cette interdiction est le manque d’explications et de directives claires. Les commerçants se retrouvent dans une situation délicate, avec des produits légalement acquis devenus soudainement illégaux. Il n’existe actuellement aucune disposition particulière pour accompagner cette interdiction, et aucune procédure n’a été établie pour la gestion de ces produits. Une solution envisageable serait peut-être de déposer les produits dans les commissariats ou les pharmacies, en fournissant les factures prouvant leur achat légal. Cependant, cette option soulève également des questions pratiques et logistiques. En l’absence d’accompagnement officiel, les commerçants se trouvent face à une incertitude quant à la marche à suivre. Il est espéré que des explications et des solutions seront fournies par les autorités dans un avenir proche pour clarifier cette situation.
Impact sur les consommateurs : Risques juridiques et création d’un marché illégal
Le consommateur est confronté à un double problème. D’une part, s’il possède encore du HHC, il sera contraint de l’utiliser, mais cela implique des risques juridiques. Les autorités ne peuvent pas effectuer une fouille sans justification valable, et le profil d’un consommateur de cannabis ne constitue pas une raison suffisante. Une fouille ne peut être effectuée que dans le cadre de contrôles déterminés par le procureur de la République ou si la personne présente un comportement indiquant qu’elle a commis ou s’apprête à commettre un crime ou un délit. Par conséquent, à moins d’être détecté par un chien renifleur, il y a peu de risques de se faire arrêter en possession de HHC. Cependant, il est fortement déconseillé de consommer ou de fumer cette substance dans la rue.

D’autre part, le fait que cette molécule puisse être remplacée par une autre crée une situation problématique. La commercialisation d’une nouvelle substance peut prendre plusieurs semaines ou mois, tandis que son interdiction nécessite généralement plusieurs mois voire années. Cette dynamique crée un climat où les commerçants bien intentionnés, qui proposent des produits de qualité avec une traçabilité fiable, risquent de devenir les futurs dealers. Cette situation soulève des préoccupations quant aux conséquences à long terme de la décision et à la manière dont elle peut favoriser un marché illégal et non réglementé.
L’affaire en cours suscite l’attention et soulève de nombreuses interrogations quant aux mesures à prendre pour accompagner l’interdiction soudaine des produits à base de HHC. Il est primordial de suivre son évolution, de s’intéresser aux éventuels recours et aux dispositions qui seront mises en place. Cette situation invite à une réflexion plus approfondie sur le chemin à emprunter. Peut-être que la légalisation pourrait être l’aboutissement souhaité, permettant de transformer les commerçants en entrepreneurs légitimes et les dealers en acteurs économiques respectables. L’avenir dira quelles décisions seront prises pour résoudre cette situation complexe et ouvrir de nouvelles perspectives.