Sébastien Béguerie [épisode 1/5]: Très jeune et déjà au cœur de la science du cannabis

ParlonsCanna
Notre invité du jour est le légendaire Sébastien Béguerie, pionnier du marché du cannabis en France et entrepreneur CBD. Fondateur et dirigeant de Alpha-Cat, de Kanavape et de Golden Buds, il exploite ses marques sous le nom de Canebe, une société établie à Prague. Fervent défenseur du CBD et activiste en première ligne, il réussit à faire plier la justice française après plusieurs années de procédure. C’est grâce à lui si l’arrêt de la Cour de Justice Européenne “Kanavape” est sorti, et que la production et la commercialisation de CBD sont légales. Dans ce podcast, découvrez son parcours inédit et son incroyable capacité à rebondir.
Son premier contact avec le cannabis
Natif de Marseille, Sébastien Béguerie a eu son premier contact avec le cannabis fort en THC à 13 ans. C’est dans le plus grand comptoir de chanvre en France, avec la légende de la Canebière et le trafic de cannabis qui fait fureur que tout a commencé. Dans son adolescence, il passait ses journées au skate park en compagnie des grands qui leur faisait rouler des joints. Dans ce contexte, il plonge très jeune, sous une culture rastafari, avec l’ascension des pionniers du reggae français Massilia Sound System et Jo Corbeau.
Le cannabis lui fait du bien

À 15 ans, il devient régulier avec la weed et curieusement, ça lui fait du bien! À cause d’un déficit de l’attention et de l’hyperactivité, il a connu des difficultés dans son parcours scolaire. Mais cela ne l’a pas empêché de faire de brillantes études pour autant. Et ce n’est pas grâce aux pédopsychiatres et aux séances de rééducation, mais à la weed. Pour lui, fumer un joint pendant les pauses déjeuner était un moyen de se canaliser et d’améliorer sa capacité d’attention.
Complètement différent, il ne décroche pas comme les ados de son âge. Lui, tranquille et posé, se transforme en intello et voue même une passion pour la lecture. Alors que les opinions de la majorité sont gangrenées par le fait que le cannabis est mal et que le risque d’enchaîner sur des drogues dures est très présent, il se demande pourquoi l’herbe exerce sur lui l’effet inverse. C’est à ce moment précis qu’il a eu un déclic, et a décidé de chercher à mieux comprendre cette plante.
Quelles sont ses sources d’inspirations?
Pour Sébastien Béguerie, les titres de Bob Marley “Excuse me while I light my spliff”, et “Legalize It” de Peter Tosh étaient sources d’inspiration. À travers ses tubes, il apprend en 1975 que le cannabis soigne le cancer, la sclérose en plaque, l’asthme et le glaucome. Mieux encore, des recherches scientifiques approuvent totalement cette théorie. Pour lui, c’est une révélation, et c’est comme ça qu’il s’est lancé dans cette industrie là.
Première découverte sur l’histoire du chanvre
Il commence alors ses recherches en 1998, au début d’internet. À cette époque, Chanvre-Info était l’un des rares blog dédiés au cannabis. Il s’agit d’une initiative du chanvrier suisse et activiste révolutionnaire André Fürst. C’est ainsi qu’il découvre les corrélations entre le chanvre et la guerre. Pour l’anecdote, la signature d’un traité entre Napoléon et les russes contre les échanges commerciaux avec les anglais. Ils avait pour but de couper l’approvisionnement de ces derniers afin de les empêcher de construire des bateaux.
En effet, la plante était le véritable nerf de la guerre. Ses fibres constituaient essentiellement les cordages et voilures des navires. Et d’ailleurs, la bataille de Waterloo est associée à la campagne de chanvre car le Tzar poursuivait les échanges avec les britanniques malgré la signature du traité. Historiquement, Marseille était aussi un port commercial important où les navires amarraient pour s’approvisionner, d’où la tradition de la canebière. Autre anecdote, le vocabulaire provençale “danse de la carmagnole” provient d’une variété italienne de chanvre. Celle-ci est très recherchée pour ses belles fleurs et le haut rendement qu’elle rapporte.
Ainsi, la culture du chanvre fait partie de notre langage de tous les jours. Il est fortement présent dans la culture française, sans même que nous nous en rendions compte.
Son parcours d’étudiant
Le jeune entrepreneur fait une grande partie de ses études aux Pays-Bas, et vit aujourd’hui à Prague. Après un bac S, il intègre la Maison Familiale Rurale de Garachon à Lambesc, où il décroche un BTS en production horticole. Sébastien Béguerie poursuit ses études à l’Ecole supérieure d’agriculture d’Angers. Il enchaîne ensuite avec une année supplémentaire dans une université néerlandaise et décroche un double diplôme. Il obtient une licence professionnelle en France et un diplôme d’ingénieur agronome au Pays-Bas. Ce parcours lui a permis de valoriser son diplôme et son cursus.
Il veut étudier le cannabis et rien ne l’arrête

Alors que ses camarades se tournent vers la création variétale de tomates spécifiques, Sébastien Béguerie ne jure que par le cannabis. Pour ses parents, ce choix était incompréhensible, mais au lieu de le contredire, ils l’ont toujours soutenu. Voulant prouver à tous le côté scientifique que l’on peut exploiter chez la plante, il prépare une thèse sur le cannabis. Il part effectuer un stage en Italie, dans un grand institut de recherche affilié à l’équivalent de l’INRA en France. Pure coïncidence, l’institut venait d’acquérir sa licence thérapeutique pour le chanvre industriel. Pour couronner le tout, les recherches sont sponsorisées par une grande marque néerlandaise d’engrais.
Complètement dans son élément, son stage se déroule à merveille qu’il dure plus longtemps que prévu. Pendant cette période, il raconte avoir fait “pousser des trucs fantastiques tout en fumant sa ganja”. Son travail consistait à mettre au point des croisements variétaux par le phénotype et le chémotype, soit par l’apparence et le profil chimique. Il se retrouve à manipuler des machines de gaz chromatographiques pour analyser les différents principes actifs comme le THC, le CBN (cannabinol), etc. Il découvre alors que la plante possède d’autres molécules intéressantes. Cela fait qu’à 23 ans, il est déjà plongé au cœur de la science des cannabinoïdes.
Scientifique en herbe au potentiel énorme
En jeune scientifique aguerri, il va de conférences en conférences, dont la première s’est déroulée à Cologne, avec The International Association for Cannabinoid as Medicine. Il rencontre d’importantes personnalités, dont Raphaël Mechoulam, le premier à avoir isolé la molécule du THC; le Dr Ethan Russo, défenseur de l’effet entourage, ainsi que le premier docteur à avoir prescrit le cannabis thérapeutique en Europe. Quand les scientifiques parviennent à établir la preuve que la plante soigne le cancer, c’est la révélation. Sébastien Béguerie réalise alors que c’est plus qu’un simple business.
Dans ces conférences, constituées en majorité de quadragénaires, il est le plus jeune et le seul français à y participer. Cette époque était déjà marquée par l’inhibition de l’ordre des pharmaciens et de l’ordre des médecins en France. Personne ne parlait du système endocannabinoïde qui régule 80% de l’activité neuronale du corps humain. Le cannabis était diabolisé, et les discours portaient sur les probabilités d’addiction aux drogues dures. Sébastien, lui, comprenait déjà ce que les autres ne parvenaient pas encore à capter.
L’information avant le business
Les Français étaient en retard en termes d’informations sur les miracles du cannabis. A croire qu’en 2008, il n’y avait aucune publication en français sur internet. Sébastien Béguerie eut alors la brillante idée de lancer l’Union Francophone des Cannabinoïdes en Médecine au Luxembourg avec un professeur. En parallèle, il poursuit ses études au Pays-Bas. Son master en sciences des plantes est financé par Bedrocan, premier producteur de cannabis médical, légal à très haut taux de THC. Il s’attendait à une offre d’emploi venant de son sponsor à la fin de ses études, mais c’est la désillusion. L’année 2011, plutôt que de lui proposer un poste, la firme lui suggère de retourner en France et de se tourner vers le chanvre et le CBD. N’ayant pas de suite considéré cette option, il revient sur le travail qu’il avait déjà entamé avec son association.
Il revient sur la création de contenu web en français sur le cannabis thérapeutique. Son ami de longue date Antonin Cohen, expert en digital, l’aide dans son projet. Ensemble, ils mettent le livre du Dr Franjo Grotenhermen en ligne, déjà traduit en français par une connaissance. Il n’avait qu’une idée en tête, balancer de l’info en reprenant chaque chapitre du livre. Malheureusement, la page se trouve actuellement en back office, mais Sébastien Béguerie ne s’avoue vaincu pour autant. Il rebondit avec la création du premier mouvement pour le cannabis thérapeutique en France. Il se rapproche d’une association strasbourgeoise “Icar”, qui œuvre pour la réduction des risques et contre l’addiction aux drogues dures. Plus tard , Icar et UFCM deviennent UFCM-I Care.
Pour résumer ce récit, Sébastien Béguerie a eu un parcours atypique. Il s’est laissé guidé par une seule conviction: “découvrir et partager la formidable épopée du cannabis aux profanes”. Dans son aventure, il ne s’est jamais laissé déstabiliser par les obstacles, ni par le rejet, et a su rebondir à chaque fois.
Et ce n’est que le début de son incroyable histoire, racontée dans une saga de cinq épisodes que vous trouverez sur Parlons Canna.